Karim Sarroub Racaille
par Laurent Wolf
Le Temps.ch (13/01/2007)
C’est dur. Le titre d’abord, Racaille, en souvenir sans doute des déclarations du ministre français de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, sur les «jeunes des cités». Le décor, l’Algérie violente, entre l’autoritarisme du pouvoir et la folie des intégristes islamistes; puis la France et le désert social de l’immigration. Dur le récit, la vie de Mohamed, un garçon de 16 ans, à Skikda, l’ancienne Philippeville, en Algérie, en marge de tout, de sa famille qui le rejette et qu’il rejette. Ce garçon fuit, rêve de sauver son pays en y faisant revenir les harkis, les pieds-noirs et les juifs. Il visite de temps en temps l’asile psychiatrique du coin où l’on trouve tous ceux qui ne sont pas adaptés à la réalité irrationnelle de l’Algérie et n’entrent pas dans le cadre plus ou moins légal de son ordre politique.
Le livre commence par une circoncision. Celle de Mohamed. Et c’est lui qui la raconte. Il écume, il éructe, il hurle, il souffre, il la vit comme une castration sexuelle et sociale, entouré par une famille qui le violente en étant sûre qu’elle fait son bien pour aujourd’hui et pour l’éternité. Mohamed est un révolté, on ne peut pas l’être plus. Il n’a qu’un copain, Mustapha, qui est homosexuel. Et ils décident tous les deux de s’en aller. Cette fuite, qui est une quête, conduira Mohamed en France. Où tout finira mal, bien sûr, car un monde où le passé et le présent se malmènent est insupportable à ceux qui ne peuvent rien ni sur le passé ni sur le présent.
Karim Sarroub, l’auteur de Racaille, est un Français d’origine algérienne d’un peu moins de 40 ans. Son regard est sombre. Vue de France, où il vit, la situation d’un enfant algérien sensible et avide de bonheur semble sans issue, que ce soit à Skikda, à Marseille ou à Nancy où tout se termine. Le langage de son narrateur adolescent est un peu outré, et le sentiment d’échec qui se dégage de cette course désespérée un peu attendu. Mais Karim Sarroub fait partie de cette nouvelle génération d’écrivains français qui sont résolus à regarder autre chose que leur nombril et qui cherchent à donner une forme littéraire au chaos qu’ils ont sous les yeux.
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Karim Sarroub Racaille