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L’incroyable incompétence de Grégoire Leménager, critique littéraire au Nouvel Obs

L’incroyable incompétence de Grégoire Leménager
Naturellement je ne passe pas mon temps à relever toutes les contrevérités que publie le Nouvel Obs, mais je me souviens avec quelle légèreté ils ont écrit, en 2007, que Rachida Dati, à peine désignée porte parole de Nicolas Sarkozy, était la fille d‘un harki. L’ancienne garde des sceaux avait alors essuyé toutes les insultes possibles de la part de la communauté maghrébine, « vendue », « arriviste », « traitres de père en fille », etc, alors que c’est sa mère qui est algérienne, et non son père.

Je n’oublierai pas non plus le dossier truffé de ragots et de mensonges que cet hebdomadaire avait publié sur Freud, un dossier de plusieurs pages confié à une seule journaliste, une journaliste proche justement des détracteurs de la théorie freudienne. Leur Une avait été d’ailleurs consacrée à cette campagne de diffamation sans précédent.

Quand Grégoire Leménager, journaliste au Nouvel Obs, m’a appelé (j’ignorais encore le plagiat du roman de Tahar Ouettar), je pensais qu’il allait me parler de l’écrivain Youcef Dris. Au lieu de quoi, il m’a d’emblée branché sur l’antisémitisme de Yasmina Khadra. Mais là où il m’a achevé, c’est lorsqu’il m’a fait remarquér, à deux reprises, que le plagiat que je dénonçais, je ne le dénonçais qu’à «demi-mot.»

Voici ce que j’écrivais dans ma note en novembre 2009 (Le Monde.fr) :

Depuis septembre dernier, j’avais dans ma bibliothèque deux romans qui contiennent la même histoire et je ne le savais pas.
[…]

Yasmina Khadra est doté d’un culot phénoménal. A ma connaissance, il est le seul romancier, dans l’histoire de la littérature française, à avoir réclamé aussi stupidement un prix littéraire pour un livre qui n’est rien d’autre qu’un plagiat caractérisé.
[…]

Pire que le plagiat, le pillage. Son dernier roman est une pâle copie d’un récit paru en 2004, une histoire véridique d’un amour impossible entre une pied-noir et un Algérien, une histoire d’amour qui a déjà été racontée, photos à l’appui, quatre ans auparavant, par l’écrivain algérien Youcef Dris.
[…]

Sur plus de 400 pages, Yasmina Khadra a, dès la fin de la première centaine, repris à son compte tout le récit de Youcef Dris pour en faire un médiocre roman de gare, une histoire à l’eau de rose, digne des pires romans d’amour, une histoire sans queue ni tête qui a dû faire pouffer de rire l’auteur des « amants de Padovani. »
[…]

Les mots « coïncidence » et « inspiration » qu’emploie Abdallah sont de faibles litotes pour décrire l’ampleur du pillage. Plus que des similitudes, l’auteur de Ce que le jour doit à la nuit n’a rien fait d’autre que réécrire l’histoire de ces deux amants, en prenant soin d’y injecter sa propre histoire.
[…]

Yasmina Khadra est un auteur qui puise sans vergogne dans le fond commun des idées et des faits divers. Il n’y a aucune limite, pour lui, entre l’emprunt servile et l’emprunt créatif.

M. Leménager, lui, hésite encore, dans un article absolument sans le moindre intérêt, où il est question de la petite taille de l’écrivain, de sa parano, de ses nombreux mensonges, et en le comparant à Marc Lévy.

Je ne sais pas trop ce qu’il faut de plus pour M. Leménager. Peut-être aussi aurais-je dû faire le boulot à sa place, en détaillant les passages qui se ressemblent.  J’ai fini par le faire. Ils sont trop nombreux pour les citer tous. De mémoire, voici seulement ceux qui sautent aux yeux :

(Après la publication de ce billet et cette liste de ressemblances, Grégoire Leménager fait supprimer le commentaire qu’il a laissé deux semaines plus tôt sur Bibliobs – commentaire que vous pouvez lire en cliquant ici.) 

  • L’époque où commence l’histoire, dans les deux livres, ce sont les années trente.
  • Le lieu : l’Algérie.
  • Dans les deux livres, il est question de deux Arabes qui tombent amoureux d’une européenne.
  • Dans le livre de Youcef Dris, les amoureux s’appellent d’abord Amélie et Dahmane. Dans celui de Yasmina Khadra, Emilie et Younes.
  • Le héros de Youcef Dris débarque à Alger, celui de Yasmina Khadra à Oran.
  • Dans les deux livres, les deux Arabes changeront ensuite d’identité, troquant leur prénom arabe contre un prénom chrétien pour l’un, hébraïque pour l’autre. Chez Youcef Dris, Dahmane devient Dédé, chez Yasmina Khadra, Younes devient Jonas.
  • Ce n’est pourtant pas les diminutifs qui manquent mais même un « Dédé », on en retrouvera un également chez Khadra.
  • C’est grâce à l’intervention directe de l’Européen que le petit arabe est scolarisé, dans les deux livres
  • Dans les deux livres, l’arabe est empêché de vivre son amour avec la jeune Amélie/Emilie.
  • Dans les deux livres, leur union est empêchée par la volonté des parents de la fille : le père d’Amélie dans le livre de Dris, la mère d’Emilie dans le livre de Khadra.
  • Après cet interdit, dans les deux livres les deux amoureux sont séparés durant de longues années.
  • Dans les deux livres, ils assistent au départ des Français d’Algérie.
  • Et pendant ce temps, les deux Arabes dans les deux livres sont victimes de racisme.
  • Outre la séparation forcée par l’autorité d’un tiers, dans les deux livres ils sont rejetés parce qu’Arabes : à l’école, par les copains pour l’un, par les filles pour l’autre.
  • L’histoire du bagne, dans les deux livres.
  • Dans les deux livres, la fin se passe dans le sud de la France : à Aix dans le livre de Yasmina Khadra (où l’auteur a vécu), à Saint-Raphaël dans le livre de Youcef Dris, qui a respecté la vraie histoire de son cousin.
  • Dans les deux livres, Amélie et Emilie accouchent.
  • Dans les deux livres, Amélie et Emilie meurent, mais pas l’enfant.
  • Dans les deux livres, les deux Arabes retrouvent le fils d’Amélie/Emilie à la fin.
  • Dans les deux livres, l’Arabe ne sera pas le père.
  • Dans les deux livres, Amélie et Emilie ont écrit une lettre à Dahmane et à Jonas.

La liste n’est pas exhaustive et les ressemblances ne s’arrêtent pas qu’au texte. A la fin du récit Les amants de Padovani, il y a quatre photos, des daguerréotypes que Youcef Dris avait retrouvés chez sa mère dans une vieille caisse, dont celle de la femme au chapeau :

Nous ne nous trouvons là ni dans une espèce de «plagiat psychique» dont sont pourtant copieusement accusés certains auteurs dans les colonnes du Nouvel Obs, ni dans une affaire de « singerie » ou encore de « parasitage », dénoncées par ailleurs dans ce même journal. Avec Yasmina Khadra, on est carrément dans la farce. Rappelons que le livre de Youcef Dris n’a jamais été vendu en France et qu’il est très difficile à trouver aujourd’hui même en Algérie.

Dans le récit de Youcef Dris, « Les amants de Padovani », l’histoire vraie est inspirée de faits réels. Il s’agit du cousin de l’auteur lui-même, Dahmane, et d’Amélie Lemoigne. [Photos ]

Pourquoi tous ces drames et faits divers que Yasmina Khadra a raconté dans ses autres livres seraient-ils inspirés de faits réels, et pas l’histoire qu’il raconte dans Ce que le jour doit à la nuit ?

Quant aux dissemblances, j’en ai relevé une, la plus troublante, elle réside dans la personnalité même des deux héros : dans le livre de Youcef Dris, l’Arabe, bien qu’il change d’identité aussi, est débrouillard, courageux et téméraire, et surtout prêt à affronter le père d’Amélie pour vivre son amour. Dans le livre de Khadra, l’Arabe est aussi un faux Arabe, passant de Younes à Jonas, mais blond, des yeux bleus, poli, non violent, cultivé, tellement cultivé d’ailleurs qu’il deviendra pharmacien sans faire d’études (par la grâce de dieu), et surtout effacé, lâche, qui n’ose rien, qui a peur d’aimer, qui laisse tomber Emilie en ne s’autorisant pas à accepter ses avances, bien qu’il soit fou d’elle du début jusqu’à la fin. Tout le contraire d’un Algérien.

Pour répondre à ces accusations de plagiat, Yasmina Khadra est intervenu (discrètement) sur le blog de l’écrivain Alain Belle. Hélas, pour affirmer une chose et comme d’habitude aussitôt son contraire : « Les similitudes dont il est question sont parfaitement récurrentes dans l’ensemble de ces histoires d’amour », suivie par « Mon roman n’a rien à voir avec ces histoires d’amour. »

Alors que son éditeur et la presse y ont vu d’abord une histoire d’amour. Il y a quelques jours encore Frantz-Olivier Giesbert l’a d’ailleurs rappelé à l’écran, devant l’auteur, qui est resté silencieux.

Mieux :
« Attention, dit-il à Louis-Bernard Robitaille [La Presse], je n’ai surtout pas voulu écrire l’histoire du nationalisme algérien, ou de la colonisation, ou de l’indépendance. Ce que j’ai écrit, c’est une histoire d’amour, qui concerne un jeune Arabe algérien «intégré», Younès […] »

Toujours sur le blog d’Alain Belle, Yasmina Khadra écrit ceci afin de clore tout débat :

« Pour ma part, je n’ai jamais lu ni eu entre les mains le livre en question. Ni même entendu parler de cette histoire somme toute ordinaire. »

Alors que selon Youcef Dris, son éditrice, Najem Dalila , est formelle :

En 2007, Yasmina Khadra lui a réclamé plusieurs ouvrages d’auteurs algériens publiés par ses soins. Elle a assuré à Youcef Dris avoir bien proposé trois romans à Yasmina Khadra : Les amants de Padovani (2004), de Youcef Dris, Le piano d’Esther (2005), de M’Hammed B. Larbi, et un troisième dont il ne se souvenait plus. Yasmina Khadra avait pris les deux premiers et a écarté le troisième.

Avec Yasmina Khadra, on ne peut s’empêcher de penser à la formule de Tomasi di Lampédusa : « Pour que rien ne change, il faut que tout change », ou, plus sérieusement, au fameux précepte algérien :
« Brouille tout, dis n’importe quoi, et tu verras plus clair. »



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