Michel Onfray et le comble de la mauvaise foi
Selon Sartre, le salaud intégral est celui qui sait qu’il est un salaud, et qui persiste et signe dans sa saloperie. Jacqueline Morne note en juillet 2008 : « Couramment, on dit de mauvaise foi celui qui, par amour-propre ou par intérêt, s’obstine contre toute évidence à soutenir qu’il a raison, alors qu’il sait pertinemment qu’il a tort. Sourd à l’argumentation rationnelle, il échafaude de fausses bonnes raisons, s’enfermant dans un système de défense absurde. Dans ce jeu du vrai et du faux, l’homme de mauvaise foi ne trompe personne, surtout pas lui-même. »
Michel Onfray, un salaud sartrien
Lorsque Sartre parle de « mauvaise foi », écrit encore Jacqueline Morne, « l’analyse est beaucoup plus complexe. Il explore sous ce terme les zones confuses dans lesquelles la conscience réussit à s’obscurcir elle-même, où, à la fois mystificatrice et mystifiée, elle parvient à se rendre dupe de son propre mensonge. De ces moments crépusculaires on ne peut trouver meilleure illustration que celle de l’émotion avec sa cohorte de désordres organiques : tremblements, pâleur, rougeur… »
Sartre, le (fils de) bourgeois courageux, authentique
Enfin, même si aujourd’hui on n’apprend plus rien aux Algériens et aux Français des deux rives de la Méditerranée, avant de citer l’entretien d’Yves Ansel, très rapidement ceci :
Jean-Paul Sartre est un écrivain et philosophe français qui aimait le homard à la sauce armoricaine. Il vécut entre 1905 et 1980. Il est l’auteur de la Nausée, récit publié aux éditions Gallimard en 1938 (après plusieurs refus.) Contrairement à Albert Camus, qui ne pouvait pas être plus clair en déclarant préférer, avant de se taire enfin, sa mère à l’indépendance de tout un peuple, l’Algérie, Sartre est connu pour avoir dénoncé vigoureusement la torture et soutenu, au péril de sa vie, l’indépendance de l’Algérie – son appartement, rue Bonaparte, fut plastiqué par l’OAS -, pour s’être opposé, à raison, à Albert Camus sur la « question algérienne », et pour avoir refusé le prix Nobel de littérature en 1964.
Camus, un Pied-noir colonialiste ordinaire
En 1994, le Nouvel Obs titrait en couverture : « Le triomphe d’Albert Camus. » Comme le rappelait Eric Pierre Michel, un dossier de plusieurs pages signé Jeanyves Guérin : « La revanche d’Albert Camus » est consacré à l’ex colon avec cette précision incroyable : « Son seul tort est d’avoir eu raison avant tout le monde. » On se demande bien sur quoi. Parce que Camus s’est éloigné du communisme avant les autres, il aura raison sur tout. C’est l’avis de Jeanyves Guérin. D’ailleurs, le contraire aurait été bien étonnant de la part de l’auteur du Dictionnaire d’Albert Camus qui, toute sa vie, n’a écrit que du bien sur l’auteur de l’Etranger. On ignore si Jeanyves Guérin est né en Algérie, lui aussi, mais on peut feuilleter son impressionnant CV de 33 pages avec émerveillement, où le nom de Camus y figure 112 fois.
Tout est là, écrit Eric Pierre Michel sur son blog : « dès 1994 [et la Une du Nouvel Obs], la messe est dite. Le raz-de-marée médiatique qui, en surface, a marqué le cinquantième anniversaire de la mort d’Albert Camus (4 janvier 2010) n’a rien ajouté ni retranché aux belles images pieuses mises en place dès les années 1990. Ce sont les mêmes rengaines, les mêmes phrases, les mêmes discours qui sont revenus, et qui, n’en doutons pas, vont revenir en 2013, pour la célébration du centième anniversaire de la naissance de l’écrivain. »
Extrait de l’entretien d’Yves Ansel sur le blog d’Eric Michel :
En un sens, sur ce sujet sensible, très douloureux, qu’est « la question algérienne» pour Camus, L’Etranger, roman publié en 1942, est on ne peut plus limpide. Sur une plage, un dimanche, un pied noir armé d’un revolver tire sur un Arabe (le mot propre, le mot « Algérien » n’apparaît pas) armé d’un couteau.
Meursault est jugé et condamné à mort, non pour le meurtre d’un homme, mais parce qu’il n’a pas pleuré à l’enterrement de sa mère, a fumé une cigarette devant son cercueil, etc. Dans quel ordre social une cigarette pèse-t-elle plus que le meurtre d’un homme ? Réponse : dans le système colonial où un colonisé ne vaut rien, est égal à zéro. Et c’est pourquoi, dans la seconde partie du roman, au cours du procès, jamais il n’est question du meurtre de l’Arabe, oublié, enterré, proprement néantisé.
Autrement dit, le roman traduit lumineusement l’inégal rapport de forces entre les colons et les colonisés, et le meurtre révèle brutalement l’antagonisme larvé, mais violent, entre les deux populations. Loin que la cause de l’assassinat soit le soleil (c’est l’explication avancée par le meurtrier, et rituellement reprise par la critique officielle), c’est la « haine » (le dernier mot du roman) qui arme la main de Meursault, lequel, quelque temps avant de tuer l’Arabe, avait déclaré à son ami : « Prends-le d’homme à homme et donne-moi ton revolver. Si l’autre intervient ou s’il tire son couteau, je le descendrai ».
Voilà des mots simples, des phrases univoques, et sans circonstances atténuantes. Quand, plus tard, l’Arabe tirera son couteau, Meursault fera ce qu’il a dit qu’il ferait, il le « descendra ».
Nous avons donc bien affaire à un meurtre annoncé, programmé, pas à un meurtre gratuit, involontaire, « absurde ». Et bien, aussi limpide et explicite que soit la lettre du roman, d’un commun accord, commentateurs et critiques ont choisi de se voiler la face, et c’est ainsi que depuis 1942, L’Etranger est un roman censé illustrer la philosophie de l’absurde.
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